Témoignage de Zélie, Partie 1

Mon vécu de la formation

Si le premier jour se déroule sans encombre, c’est dans les 5 journées passées avec la psychologue que je rencontre des difficultés. Rapidement, nous abordons les expériences individuelles qui nous ont amenés les uns et les autres à vouloir devenir bénévoles JALMALV. Une dynamique particulière se crée dans notre petit groupe de 12 personnes, et les écueils ne proviennent naturellement pas de là où je les attendais…


Certains participants me touchent, font appel à des sentiments profonds enfouis en moi, relatifs à mon vécu. Dans cette bulle où tout un chacun partage des expériences très personnelles en lien avec des épreuves de la vie, les rapports sont bouleversés. On se sent proche, impliqué, et malgré les règles de départ, que bien sûr j’approuve, et qui nous demandent bienveillance et neutralité, je me surprends à juger. Me voilà traversée de toutes sortes de sentiments ; j’évalue, j’interprète, j’analyse ! Mais bien sûr, ce n’est pas mon rôle. Qui suis-je pour ce faire ? D’autant que j’ai, avant de commencer la formation, la prétention en mon for intérieur de ne pas être dans le jugement et d’avoir l’écoute facile… Pire encore, la formatrice me prend à part, elle redoute que j’interprète trop, m’explique qu’elle n’a jamais eu de bénévole en formation de psychologue. Elle craint que j’amalgame ma posture d’accompagnante et celle de psychologue en devenir. Sur le moment, je vis cela comme une humiliation. Je me sens déçue de moi-même, gonflée de mes expériences, je me sentais un roc. Mais me voilà ramenée à ce que pourtant j’abhorre, être dans le jugement.


La remise en question se fait et je constate que j’ai eu, bien souvent, la sensation d’écouter sans le faire réellement, et que ce qui me semble « naturel » n’est pas si instinctif que cela.


Mes connaissances toutes fraiches d’étudiante en psychologie me permettent d’avancer dans la résolution de cette situation. Je comprends que ma manière de rationaliser est une façon de me protéger de mon inconfort. L’affiliation au groupe et l’affirmation par l’expression de mes sentiments me permettront de mieux comprendre mes réactions inappropriées et de contribuer à ma propre évolution (Ionescu, 2020).


Au fil des jours la question se pose puis se résout : suis-je capable de me distancier de ma propre souffrance mais aussi de mon attrait intellectuel pour être à l’écoute ? Bien sûr, au fond de moi je le sais, n’en ai aucun doute. Après un échange avec la psychologue la suite de la formation confortera cette conviction. Accepter de pouvoir dans un premier temps juger puis faire la démarche d’un « pas de côté » et rester du côté de la bienveillance et de l’écoute, voilà qui semble une attitude qui, si elle ne me sert pas dans le bénévolat, ou dans une profession de psychologue, pourrait m’accompagner ma vie durant pour vivre selon les valeurs auxquelles j’aspire. La thérapie ACT, 3ème vague des TCC, s’inspire de cette démarche comme je pourrais le découvrir dans mes lectures en lien avec la psychologie clinique.


Pour finir je relaterais un exercice qui m'a profondément marqué : 2 participants évoquent, chacun leur tour et durant 10 minutes, une expérience douloureuse en lien avec la maladie ou la mort. Mais avec une condition particulière : celui qui écoute n’a pas le droit de prononcer un seul mot. Pendant ce temps qui m'aura semblé une éternité, ma binôme me conte une histoire difficile et touchante. Nous sommes dehors, je me synchronise à ses pas, l'accompagne de mon regard. Je me sens impuissante sans le recours aux mots mais le moment est si extraordinairement intense… Quand vient mon tour, je choisis de parler de souffrances encore à vif. Les yeux embués, je lui raconte un évènement douloureux. Les mots commencent doucement à se faire. Son silence est comme un encouragement. Cajolée par son doux regard, je m'enfonce dans le souvenir de ma peine. Appuyé sur un point de l'horizon, mon regard retourne parfois au sien, qui ne me quitte pas. Etrangement, je me sens très soulagée par ces confidences. A l'issue de l'expérience, elle me confiera avoir ressenti elle aussi beaucoup d’empathie et de soutien et me remerciera chaleureusement. Je comprends que le silence est l'allié puissant d'une écoute attentive et qu'il n'y a pas toujours besoin de le combler.

Zélie, Bénévole d'accompagnement à JALMALV Savoie

Écrire commentaire

Commentaires: 0